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Titre du blog : TERRA KOTA
Auteur : kulturanostra
Date de création : 07-07-2010
 
posté le 09-07-2010 à 05:45:21

LA SYMBOLIQUE DES RELIQUAIRES KOTA (SUITE)

Réflexions sur 1'art funéraire Kota

in Arts d'Afrique Noire n°122
Gérard DELORME
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LE CADRE NATUREL
Le Gabon est le royaume de la forêt équatoriale dense. Dans le détail, le paysage forestier présente quelques nuances liées à la nature du sous-sol, à l’action de l’homme et aux différences climatiques. Cela montre d’ailleurs que la forêt est en équilibre assez fragile, donc précaire, et que de faibles variations de ces paramètres ont de fortes conséquences sur son maintien ou sa disparition. Bien souvent, une pluviométrie plus modérée (par exemple, de l’ordre de 1 500 mm annuels par rapport à une fourchette nationale s’établissant entre 1400 et 3200 mm), se traduit par l’apparition de savanes; le phénomène est d’autant plus marqué si le substratum a un fort pouvoir drainant (grès, sables, roches carbonatées karstifiées). Malgré une pluviométrie assez élevée (approchant les deux mètres), l’existence de ce type de terrains, où le lessivage des sols est accentué, permet le développement de vastes étendues pelées, couvertes d’herbe rase et, parfois, d’arbustes rabougris: c’est le cas des Plateaux batékés à l’est du Gabon, s’étendant plus largement encore sur le Congo Brazza. Là, on se croirait plus volontiers au Sahel qu’au cœur de l’Afrique équatoriale. Plusieurs dizaines de mètres d’épaisseur de sables recouvrant des assises gréseuses expliquent cette anomalie sur une région qui constitue pourtant un château d’eau pour les contrées environnantes et d’où naissent de nombreuses rivières. En réalité, l’eau s’enfonce immédiatement et ne séjourne pratiquement pas dans la tranche superficielle du sol; la végétation habituelle de ces contrées ne peut donc s’y développer normalement. Malgré une forte pluviosité, la nature du sous-sol a donc une incidence importante sur le développement de la végétation, composante essentielle de l’environnement.


Ailleurs, lorsque les conditions ne permettent pas le maintien d’un couvert forestier dense, on observe un paysage typique de mosaïque forêt-savane, se caractérisant par la présence générale de savanes (à herbes le plus souvent très hautes: de l’ordre de trois mètres) morcelées par un réseau assez serré de forêts-galeries.


Malgré son recul général que l’on constate habituellement vers les latitudes sahéliennes, il faut souligner que sur la plus grande partie du territoire gabonais, la forêt est actuellement en progression sur la savane. Sur la région qui nous intéresse, de nombreuses savanes sont progressivement “ mangées ” par les arbres. Ce phénomène est perceptible depuis plusieurs dizaines d’années au moins (8). Le domaine des Kota, quant à lui, s’étend essentiellement sur la forêt, du moins pour le nord. Vers le sud (régions de la Sébé, de Franceville , en amont sur l’Ogooué), les savanes avec forêts-galeries prennent une nette extension.


En ce qui concerne le relief, le Gabon de l’intérieur est un pays ne présentant jamais un caractère véritablement montagneux; toutefois, par suite d’une phase géologique contemporaine de rajeunissement, il offre souvent dans le détail un caractère fortement disséqué: vers leurs parcours amonts, les vallées sont fortement imprimées dans le substratum et marquent des creux fréquemment supérieurs à la centaine de mètres. A Lastoursville par exemple, l’Ogooué coule à la cote 230 alors que les sommets des collines avoisinantes oscillent entre 300 et 630 mètres. Si ces collines sont plutôt du style “ profil en demi-orange ” sur le socle granito-gneissique, les terrains sédimentaires du Francevillien (9) impriment une nette morphologie de plateaux, de cuestas ou de buttes-témoins (région de Moanda, par exemple). L’un des hauts-lieux historiques des Kota, le Mont Ngouadi, est une longue butte-témoin résiduelle de grès précambriens dominant étrangement une pénéplaine assez monotone. Les altitudes les plus élevées sont rencontrées tout au nord dans la région de Mékambo et Bélinga où la crête des collines de fer atteint l’altitude de 1 000 m. Sur des tronçons entiers de leur cours, certaines rivières, au contraire, en arrivant dans des zones de plaines s’étalent pour donner de vastes flats marécageux (cas de la Liboumba, de la Mounianghi).


En raison de la pluviométrie élevée, le réseau hydrographique est dense. fi est organisé autour du fleuve Ogooué et des affluents rive gauche de l’Ivindo, lui-même affluent de ce fleuve. Ces différents cours d’eau prennent naissance, vers l’est, sur les Plateaux batékés, aux confins sud-est du pays kota et, vers le sud, sur le massif du Chaillu. Leurs positions amont sur les bassins hydrographiques n’en font pas des voies de communication bien importantes. Même la pirogue n’est utilisée que sur des parcours très brefs tant certaines rivières peuvent être étroites (et alors encombrées d’un fouillis végétal), sinueuses ou entrecoupées d’obstacles divers. Brazza par exemple, lors de sa pénétration du pays en 1877 arrêta sa progression par le fleuve à quelques kilomètres au-delà de Franceville, aux chutes de Poubara. Bien que les vallées puissent déterminer des axes pour les déplacements, ceux ci s’opèrent essentiellement sur les lignes de crêtes, voies bien connues des éléphants lors de leurs pérégrinations! Il en a certainement été de même pour les grandes migrations humaines (10).

ELEMENTS D’HISTOIRE:
Sans même vouloir remonter très loin, il est délicat de retracer les grandes lignes, même sommaires, de l’histoire des Kota. Le manque total de tradition écrite oblige à se retourner sur une tradition orale étroitement liée à la succession des événements ponctuels survenus dans la famille, ou dans le clan depuis un nombre limité de générations et ce avec un souci tout relatif de la précision chronologique. Il sera donc difficile d’élaborer, à partir des témoignages mal calés dans le temps, une synthèse de l’histoire du peuple entier. Ce problème débordant totalement le domaine de nos compétences, nous nous contenterons de dégager simplement quelques faits marquants en reprenant les résultats auxquels sont arrivés certains auteurs, essentiellement L. Perrois (11), E. Andersson (12) et M. Alihanga (13) auxquels nous renvoyons, pour plus de détails: les avis concordent pour affirmer que les Kota n’occupent leur position présente que depuis relativement peu de temps. Pour les dernières étapes de leur migration et par des trajets parfois différents, la tradition orale les fait venir de régions que l’on peut situer vers la Moyenne Sangha, c’est-à-dire à 500 km vers le nord-est. La migration vers les positions actuelles aurait pu se dérouler vers le XVIIe siècle ou même bien avant. En raison de la pression d’autres ethnies belliqueuses (Bakwélé, Ossyéba, etc.), leur parcours dut être assez désordonné. Vers le XVIIIe siècle, les Obamba, pour ce qui les concerne, semblaient durablement établis dans la région d’Abolo, non loin de Kellé en territoire congolais.


Mais un violent conflit avec leurs voisins, suivi de dissensions internes, leur fit reprendre le bâton de pèlerin. Alors qu’une partie d’entre eux se dirigeait un peu plus au sud vers le pays téké, d’autres partaient en direction de l’ouest. C’est ainsi qu’au XVIIIe siècle, le centre du pays kota était établi sur la haute Dilo, la zone du Kélé Ngouadi et le curieux (14) plateau de Ngoutou. Au XIXe siècle, les différents clans kota iront occuper leurs positions actuelles: les Mahongwé remonteront légèrement vers le nord alors que les autres groupes, comme les Obamba, continueront leur progression et leur éparpillement vers le sud, jusqu’à approcher la rivière Niari au Congo Brazza. Les positions définitives commenceront à se fixer à partir de 1910 en fonction des contraintes de l’administration coloniale française. Nous ne pouvons entrer dans le détail de l’histoire de la migration de tous ces peuples, histoire reconstituée difficilement à partir des bribes d’informations de la tradition orale. Mais il est intéressant de constater, parfois, combien les récits issus de différentes sources peuvent se recouper. En voici un exemple: lors d’une conversation sur les itinéraires que devaient suivre les populations en train de migrer et les interpénétrations qui avaient pu se produire entre certains clans Obamba et les Téké- Tsaye, Raoul Lehuard nous a rapporté, de ses informateurs de Zanaga, que lorsque des notables de ces groupes se rencontrent, les Téké- Tsaye prennent la parole en commençant par: “ Vous qui êtes venus chez nous par le chemin des éléphants ”, précisant d’une part que les Téké- Tsaye occupaient déjà la région lorsque les Obamba y arrivèrent et, d’autre part, désignant certaines voies praticables que les hommes suivent en brousse lorsqu’elles existent (15). Il est intéressant de rapprocher cette phrase de la description faite par Martin Alihanga de la migration du clan Obamba Ngwadi à partir de la région de Franceville : c’est en poursuivant un éléphant blessé qu’ils découvrirent un pays où il leur semblait qu’il faisait bon vivre et qu’ils baptisèrent “ Dzanga-Tibi ” qui devait donner, par évolution phonétique “ Zanaga ”. Alihanga précise ces déplacements de populations se font par la “ voie d’éléphants “ celle qu’ont suivi les premiers migrants dans la Haute-Passa c’est-à-dire là où la traversée de ce cours d’eau ne pose pas de problème de navigation, car les Mbede d’alors ignorent la technique de la navigation.


En ce qui concerne les régions d’origine de ce que l’on peut appeler les “ proto-Kota ” et si l’on veut remonter plus loin dans le temps, les informations deviennent de plus en plus difficilement vérifiables: en se basant toujours sur la tradition orale, Martin Alihanga rapporte que les Obamba viendraient de la région de l’Uélé, affluent du cours supérieur du fleuve Oubangui, dans le nord du Zaïre. Ils auraient d’abord migré vers l’ouest jusque vers Kribi au Cameroun. C’est là, rapporte la tradition, que leurs ancêtres auraient vu la mer pour la première fois. Ils seraient ensuite revenus dans la région de l’actuel Yaoundé puis dans celle de Yokoduma (ou Yokadouma) en reprenant leur déplacement vers l’est-sud-est. En s’interrogeant sur les ethnies que l’on peut rattacher au groupe kota, Andersson, quant à lui, cite des relations possibles avec les Duala du sud Cameroun.


Il fait également remarquer que les peuples (téké ou kota ?) de ce que l’on appelait “ l’Anzicana ” avaient des tatouages tout à fait similaires à ceux des Yoruba (Nigeria) et à ceux de populations de la région du lac Léopold: La présence, dans ces groupes, des mêmes motifs de tatouage que ceux portés par les anciens Anzicana nous permet de supposer que toutes ces peuplades ont appartenu à l’origine à la même civilisation ancienne qui par fortes vagues a déferlé vers le sud et s’est répandue en éventail dans le centre de l’Afrique (16). Il explique ainsi l’origine des migrations kota et fang par le contrecoup des déplacements des Bandas de Centrafrique suite aux razzias des chasseurs d’esclaves venus du nord (Arabes, Fulbe, Nubiens).


Comme on le voit, le puzzle n’est pas facile à reconstituer et l’on ne doit négliger aucun indice: la tradition orale, les éléments connus de l’histoire des autres peuples. des ressemblances linguistiques, les traditions ornementales (coiffure, scarifications, tatouages) et diverses. Andersson s’est, parmi bien des questions, demandé si d’autres traditions des Kota ne pouvaient pas fournir des indications sur leur origine. Il s’est ainsi intéressé à l’importante société secrète masculine de la Mungala dont les origines sont en relation avec un génie de l’eau. Curieusement, il ne trouve pas de rivière de ce nom sur les itinéraires possibles de la migration kota alors que les cartes mentionnent bien une rivière Mungala, affluent droit du Congo entre ce fleuve et l’Oubangui (ce n’est d’ailleurs pas loin de l’Uélé). Citant Even, Andersson précise que les Kota du nord se représentaient mungala comme “ un animal fantastique habitant des eaux ”. Cette définition mérite que l’on fasse le rapprochement avec un autre animal fantastique bien connu des crytozoologues et baptisé selon les lieux et les époques “ Jago-Nini ”, “ Amali ”, “ N’yamala ” ou encore “ Mokele-Mbembe ”. Ce dernier animal. ressemblant paraît-il à un dinosaure, a défrayé la chronique, il y a quelque temps et son existence est surtout étayée par les récits des populations locales, bantoues ou pygmées. Sa zone d’apparition la plus fréquente était centrée vers le lac Télé, tout au nord du Congo Brazza, entre la Sangha et l’Oubangui. C’est une région de forêt inondée très difficile d’accès, une des plus sauvages de la planète qui a probablement vu les Kota il y a quelques siècles. Toutefois, dans les années 70 et 80, quelques expéditions plus ou moins scientifiques n’ont pas réussi à en confirmer l’existence.


Bien que certains témoignages inédits soient particulièrement troublants, tout cela aurait pu en rester au stade de légendes locales aux fondements incertains si cette curieuse similitude avec les mythes gravitant autour de Mungala ne nous avait incité à pousser quelques investigations sur le sujet. C’est ainsi que nous avons retrouvé dans les récits de Trader Horn (17), aventurier de la fin du XIXe., une évocation de ces animaux mystérieux qui, aux dires des indigènes, hantaient les confins du Gabon, du Congo et du sud Cameroun. Lui-même en aurait vu les traces impressionnantes. Pour conclure, il précisait qu’il avait vu des représentations de ces animaux dessinées dans les grottes des Bushmen. Nous avons alors dépouillé une grande quantité d’ouvrages sur l’art rupestre africain pour essayer de recueillir une confirmation aux dires de Trader Horn. La première constatation fut que, d’une façon générale, cet art pariétal bien que toujours stylisé était très figuratif et représentait le plus souvent des êtres vivants non imaginaires. Nous avons enfin trouvé une importante publication de Leo Frobenius où cet auteur rapportait des relevés de dessins préhistoriques de grottes de l’ancienne Rhodésie (18). Nous y avons remarqué, avec étonnement, cinq figurations d’animaux bizarres, sans ressemblance avec des espèces habituellement représentées et présentant des analogies avec certaines formes préhistoriques. Frobenius lui-même s’interroge et les a qualifiées “ animaux fabuleux, créations étranges ”, en utilisant l’appellation saurien pour certains.

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Fig. 2 : Kelle e Ngouadi. Que de mystères restent à jamais oubliés près de ce roc étrange émergeant de la brume au fin fond du pays kota (photo G. Delorme).


 

Il y a donc là une énigme troublante: on ne peut exclure que dans cet environnement stable et éloigné du monde civilisé, quelques représentants des grands sauriens aient pu subsister, leur aire d’existence autrefois largement étendue, se rétrécissant progressivement au fil des siècles. Si cette hypothèse, surprenante au premier abord mais partiellement accréditée par le témoignage des Préhistoriques, se trouvait confirmée on aurait alors à faire à une découverte scientifique majeure qui permettrait d’expliquer, par ailleurs, les origines de certaines sociétés secrètes africaines, celle de la Mungala par exemple. Pour terminer sur les rémanences possibles d’espèces animales en cours de disparition sur les territoires qu’ont occupé les Kota, nous attirerons l’attention sur certaines représentations d’aspect étrange, mi-anthropiques, mi-sauriennes attribuées à des ethnies de la Haute-Sangha (19) ou aux Zande de régions voisines du Zaïre. L’une d’elles est actuellement exposée au Musée du Louvre. Mythes ou réalité, ces références à des animaux maintenant disparus ou en voie de disparition, confirment les étapes possibles de la migration kota.


Les ethnologues et les historiens qui ont étudié ces régions ne manquent pas de mettre l’accent sur ces grands mouvements de populations qui ont affecté la plupart des groupes ethniques d’Afrique. Comme leurs voisins fang, les Kota sont venus d’ailleurs. On ne peut le contester mais il faut souligner que nous ne retraçons laborieusement cette histoire que par les témoignages incomplets de la tradition orale.

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H.T. 1 Peinture rupestre de la caverne de Mbewa, Rhodésie du Sud, animal fabuleux repris par Leo Frobenius in : Cahiers d’Art 8-9, 1930, p. 423.


Ont-ils occupé un pays vide ou bien en ont-ils chassé les occupants antérieurs ? Nous ne pouvons manquer de nous étonner sur le manque de réponse à ce problème. On a souvent tendance à faire abstraction de ces derniers comme si, auparavant, les lieux de destination de ces migrations étaient toujours déserts. Ce serait lourdement se tromper: les découvertes archéologiques, qui ne cessent de se multiplier depuis au moins une vingtaine d’années, démontrent que toutes ces régions ont été habitées, souvent pendant des millénaires, par des sociétés apparemment aussi avancées technologiquement que celles d’Europe. Quelles causes écologiques ou sociologiques majeures ont pu contribuer à leur récente stagnation technologique ? En plus des ravages occasionnés par la traite humaine lors des siècles précédents, il est vraisemblable que les variations climatiques des derniers millénaires, induisant immanquablement des bouleversements dans l’environnement de ces populations, peuvent aussi, en bonne partie, expliquer cela. La forêt que nous connaissons au Gabon n’a pas toujours existé dans son exubérance. De nombreuses oscillations climatiques ont été constatées sur la fin du Quaternaire. Sans entrer dans le détail, on peut affirmer qu’une phase humide a permis à la forêt d’atteindre le maximum de son développement entre 12000 et 3000 BP en Afrique centrale. Les observations font ensuite état d’une évolution vers un climat légèrement plus sec avant de montrer un retour à une tendance humide depuis quelques siècles. Comme nous avons pu le vérifier personnellement dans l’Est du Gabon, celle-ci se concrétise par une nette avancée de la forêt sur les savanes en divers points de la zone équatoriale. Parfois zone de refuge, la forêt dense reste malgré tout un milieu pénible pour l’être humain. L’humidité et la chaleur fatiguent vite les organismes et sont propices au développement de graves maladies endémiques. Bon nombre d’espèces végétales sont par ailleurs de médiocre qualité nutritive pour les mammifères herbivores. Cela explique que le gibier soit très dispersé et, d’une façon générale, que la nourriture soit difficile à se procurer. Par son écran massif, la forêt est un frein aux communications et aux échanges entre peuples. On peut donc raisonnablement penser que les anciennes sociétés d’Afrique centrale ont pu connaître leurs meilleurs épanouissements durant les phases à tendance aride correspondant dans cette zone à leur environnement le plus favorable. Les phases les plus humides, favorisant l’accroissement de la forêt ont dû, au contraire, s’accompagner d’une stagnation dans le développement des sociétés humaines. Nos connaissances sur les époques anciennes ont d’ailleurs sensiblement évolué ces derniers temps et permettent de brosser un tableau schématique des débuts de l’occupation humaine de ces régions: on avance le chiffre de 400000 ans pour les débuts du Paléolithique gabonais; de la Pebble-culture aurait même été trouvée sur les hautes terrasses de l’Ogooué. Après une courte période néolithique entre 4000 et 2500 B.P., les études préhistoriques récentes ont mis en évidence une arrivée massive de “métallurgistes” bantu en provenance du nord vers 2400-2300 B.P. par des itinéraires d’ailleurs peu différents de ceux qu’emprunteront les peuples fang et kota, vingt siècles plus tard. Depuis, que sont devenues ces sociétés préhistoriques dans la zone qui nous intéresse ? Comment ont-elles évolué ? Ont-elles subsisté sur place, ont-elles été assimilées par des populations venues d’ailleurs, ont-elles à leur tour migré en d’autres lieux ? Quels rapports ont-elles avec les Kota contemporains que l’on sait également bons métallurgistes et venus du nord mais bien postérieurement ? Quelle place faire aux Pygmées, peuple de forêt par excellence, que l’on considère souvent comme les occupants initiaux de l’Afrique équatoriale ?
Nous reviendrons plus loin sur ces problèmes, mais il faut reconnaître que l’on n’a pas de réponse définitive à toutes ces questions et nous nous apercevons avec encore plus d’acuité des limites de notre connaissance du passé de ces régions. Le développement de fouilles archéologiques pourrait peut-être permettre d’améliorer cette connaissance et combler l’énorme manque de données installé entre les époques anciennes (se chiffrant en millénaires) et les plus récentes (se chiffrant en siècles) concernant plus spécialement le cadre de notre réflexion sur l’art kota. Car, de façon un peu contradictoire, c’est pour les époques anciennes que nous retrouverons les vestiges les plus nombreux du fait de la très bonne conservation de l’outillage lithique. Ce n’est évidemment pas le cas pour les périodes plus rapprochées de nous où il est vraiment difficile de retrouver tout ce qui a été fabriqué en métal ou en bois.


Cependant, tout espoir n’est pas encore perdu: les rapides recherches que nous avons personnellement menées au début des années 80 sur le site d’anciens villages montrent que l’on peut encore faire des observations intéressantes qui pourraient petit à petit permettre d’augmenter la connaissance du passé d’une région donnée. Cette connaissance imprécise de l’histoire ancienne est un lourd handicap pour comprendre l’apparition, l’évolution et la signification de l’art funéraire des Kota.

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H.T. 2 Relique ancestrale du nkobi a ngoyi ( le panier de la panthère)