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Titre du blog : TERRA KOTA
Auteur : kulturanostra
Date de création : 07-07-2010
 
posté le 13-07-2010 à 02:19:50

SYMBOLISME (SUITE)

Réflexions sur 1'art funéraire Kota

in Arts d'Afrique Noire n°122
Gérard DELORME
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GÉNÉRALITÉS SUR LES FIGURES DE RELIQUAIRE
Nous entrons enfin dans le vif du sujet de cette étude: les figures de reliquaire des Kota. A l’instar de leurs voisins fang, les Kota pratiquaient un culte qui se caractérisait par la conservation de reliques des ancêtres des lignées importantes dans des paniers surmontés de sculptures bien spécifiques jouant en quelque sorte le rôle de gardiens des reliques. En la présence exclusive d’initiés, les grandes décisions du clan, du lignage, étaient prises au cours de cérémonies où les reliquaires étaient sortis. Selon les endroits, on les appelait bwété, mbulu-ngulu ou bien mboy (chez les Obamba). Par ce rituel. les ancêtres participaient toujours à l’existence des vivants. Pour ce qui concerne l’étude des rites liés à ces reliquaires, nous renvoyons, entre autres, aux travaux d’Andersson, de Perrois de Stephen Chauvet.


Pendant la première moitié du XXe siècle, l’action plus ou moins simultanée de l’administration française et des missionnaires chrétiens contribua à l’éradication de ce culte. Corrélativement à une évolution contrainte de la société africaine à cette époque, ce dernier perdit effectivement son importance au point qu’on le considère actuellement comme disparu. Cependant, dès l’indépendance politique acquise, la cessation des contraintes extérieures put laisser subsister de discrets foyers du culte dans certains villages de brousse. Malgré les bouleversements de l’impact colonial. malgré le développement d’autres pratiques (par exemple du ndjobi dans la province gabonaise du Haut-Ogooué), la tradition n’est donc pas complètement éteinte et nous connaissons encore certains endroits où elle semble se perpétuer: les reliquaires traditionnels y sont toujours utilisés à certaines occasions par des officiants qui les cachent soigneusement.

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H.T. 3 Figure inédite de reliquaire kota

Chez les Kota, ces figures ont atteint un degré de stylisation et d’abstraction étonnant. De plus, elles présentent une particularité que l’on ne retrouve que de façon bien moins ostensible dans le reste de l’art d’Afrique noire: le cuivre et le laiton, sous forme de placages, entrent systématiquement et largement dans la composition de tous ces objets. Cela contribua à ce qu’ils soient recherchés par les amateurs d’art africain. En mettant un peu à part les mbumba-bwiti masango qui se distinguent très nettement des autres par la réduction de la taille du visage et l’allongement relatif du cou, les figures de reliquaire kota se caractérisent par un visage extrêmement stylisé souvent traité à plat. Le traitement en relief des figures (en ronde bosse ou semi-ronde bosse) ne se manifeste que dans quelques sous-groupes stylistiques ne représentant qu’environ un tiers du total de ces objets de culte et semblant plus tardifs. La face est toujours prolongée vers le bas par une sorte de manche s’ornant d’une structure en forme de losange orienté dans le même plan que le visage pour l’ensemble des figures; uniquement chez les Mahongwé, cette structure a plutôt la forme d’un ovale s’inscrivant dans le plan perpendiculaire à celui de la face. Ce manche était normalement assujetti aux reliques. Nous reviendrons dans la suite de ce texte plus longuement sur le descriptif des différentes catégories de figures de reliquaire.


Est-il possible d’évaluer la quantité de ces figures existant encore de par le monde ? Car il faut bien admettre que, compte tenu de leur succès en tant qu’objets de collection, la plupart d’entre elles ne sont plus dans leurs pays d’origine. Il est difficile de répondre à cette question mais on peut essayer de dresser une évaluation approximative. Pour notre part, nous avons pu, après une compilation s’étalant sur quatre années, retrouver les représentations de près d’un millier de spécimens. Le Musée Dapper possède une documentation importante sur ces figures. A. et F. Chaffin, de leur côté, en ont recensé plus d’un millier. D’autre part et d’après les chiffres annoncés plus haut, nous relevons 500 villages kota au Gabon. En extrapolant par rapport aux superficies, on peut admettre qu’il faille compter sur quelque chose comme 750 villages kota et apparentés sur l’ensemble Gabon-Congo.


Perrois a fait une évaluation à partir des reliquaires mahongwé dont il a pu retrouver la trace dans trois villages gabonais. Le nombre de figures recensées varie de 1 à 14 selon l’importance du village et des clans représentés (une vingtaine). Au total, il a pu avoir mention de 27 reliquaires pour les trois villages soit 9 en moyenne pour chaque village. En fonction de ces chiffres et du nombre total des clans, il a estimé que le nombre de reliquaires mahongwé devait s’élever entre deux et trois cents à la fin du siècle dernier. Il pense qu’en 1969 on a dû retrouver une cinquantaine de pièces au total de par le monde. Dix ans plus tard, il parle d’une centaine. A l’heure actuelle, ce chiffre devrait être encore révisé à la hausse puisque notre fichier personnel atteint la centaine de pièces et que nous sommes très loin d’être exhaustif. On se rend alors compte que les indications en notre possession sont trop fragmentaires pour que l’on puisse se risquer à une extrapolation fiable surtout pour l’ensemble des ethnies kota: la difficulté résidant dans l’évaluation du nombre moyen de reliquaires par village. Si l’on admet une fourchette de 3 à 9, on arriverait à un total théorique compris entre 2000 et 7000 figures “ en service ” à la fin du siècle dernier. La fourchette est large. Combien en reste-t-il compte tenu des nombreuses destructions couvrant la période 1920-60, et aussi parmi les fabrications plus récentes, c’est impossible à dire. Un ancien marchand d’art, avec lequel nous avons discuté du problème, estime quant à lui qu’il doit en exister encore de l’ordre de quinze mille. Ce chiffre paraît un peu élevé, du moins si l’on se réfère aux pièces d’authenticité indubitable. On observe, en effet, dès les premières décades du XXe siècle, l’apparition progressive dans les collections (même dans celles de grands musées) de pièces d’apparence bâclée, dont les caractéristiques stylistiques se dégradent. On peut avoir à faire évidemment à des productions de sculpteurs moins habiles, ou de moins en moins bien formés, mais il est indéniable, vu leur proportion grandissante, que l’on est de plus en plus en présence d’objets qui ne sont plus fabriqués dans l’esprit du culte. Le temps passant, on ne trouvera plus que des objets décadents, voire grossiers et même grotesques, taillés uniquement dans un but mercantile. Il est évident que nous ne voulons pas comptabiliser de tels objets. Perrois a fait remarquer que le nombre de reliquaires restait modeste face à la multitude des objets africains répertoriés dans le monde entier. Cela se comprend assez bien du fait des caractéristiques mêmes du culte ne concernant que les dignitaires et en raison de la difficulté à s’approvisionner en cuivre: les figures de reliquaire vraiment endommagées devaient être soigneusement démontées pour récupérer le précieux métal. On ne pouvait donc pas assister à une accumulation d’objets anciens “ désacralisés ”. Cette supposition est corroborée par Andersson qui a décrit plusieurs mbulu-ngulu au métal d’apparence ancienne mais dont l’ossature en bois semblait toute récente; l’examen d’un certain nombre de figures de reliquaire nous a permis également d’accepter cette hypothèse bien que, dans certaines conditions, le bois ancien puisse conserver son apparence neuve.

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Fig. 3 : reliquaire kota de style “ classique _. Dessin d’Et Andersson, in : Les Kuta Il, vol. 38.

 

 

ÉTUDE STYLISTIQUE ET TYPOLOGIQUE


MÉTHODES
L’étude que nous avons entreprise porte exclusivement sur l’aspect visuel des figures de reliquaire. Nous l’avons dit plus haut: les classifications élaborées par nos prédécesseurs paraissent devoir être clarifiées, du moins pour les figures qui ne sont pas d’origine mahongwé ou masango, c’est-à-dire pour la majorité d’entre elles. C’est pour cette raison que nous avons essayé de réfléchir à la question. Nous voudrions dégager les “ bons ” critères morphologiques permettant de comprendre s’il y a des relations entre leurs différentes formes: peut-on y reconnaître une certaine unité, des règles ou bien, au contraire, la figure de reliquaire n’est-elle conçue qu’en fonction de l’inspiration libre de l’artiste à partir d’un modèle de départ transmis par la tradition d’un clan donné ?


Pour cela, il a vraiment fallu s’imprégner du sujet et essayer de visualiser le maximum d’objets. Il ne nous était malheureusement pas possible de faire le tour des musées européens d’art africain ni des collections privées. A plus forte raison, les collections existant sur d’autres continents s’avéraient inaccessibles. Nous avons pu, malgré tout, en examiner de près un certain nombre. Mais, pour la plupart, nous avons dû nous résoudre à travailler essentiellement d’après des images parfois très bonnes, parfois de qualité médiocre. Nous sommes parfaitement conscient des insuffisances du procédé. Cependant, nous avons, en partie du moins, compensé cela en scannant les images récupérées et en les archivant sur support informatique, ce qui a permis de manipuler les images efficacement et surtout rapidement. Nous avons constitué une base de données sur les figures de reliquaire associant les renseignements (hélas, trop souvent bien maigres!) et les images les plus caractéristiques de chaque pièce. L’énorme avantage que la technique moderne offre par rapport aux moyens de nos prédécesseurs, c’est de visionner les images en un tour de main et de les comparer, les trier avec une aisance peu envisageable il y a encore quelques années. A ce jour, nous avons pu ainsi mettre en fiche près d’un millier de pièces et la quête continue. Il apparut ainsi très vite que nous disposions depuis quelque temps d’un échantillon représentatif de l’art kota. En effet, à chaque intégration d’un objet inconnu du fichier, il devint évident qu’il faisait pratiquement toujours partie d’un modèle déjà existant. Rares sont ceux qui nous amenèrent à modifier un tant soit peu la classification. Nous espérons bien sûr quelques nouveautés, quelques pièces énigmatiques mais il est vraisemblable qu’elles ne remettront pas fondamentalement en cause la typologie déjà échafaudée.

 

 

(Suivre lien en entête du document, pour voir les images des Reliquaires)