Permanence et continuité à travers les âges
Par Dr Richard EKAZAMA
Coordonnateur Scientifique et Technique du Cenarest
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La circoncision kota est, au sens large, un rite commun à une mosaïque de communautés. Elle comprend aussi bien, malgré quelques nuances, les pratiques des groupes linguistiques parents (les Ikota, les Mahongwé, les Shamaye, les Ndassa,) que celles des groupes avec lesquels ils partagent le même espace culturel (les Boungom, les Yésa, les Shakè, les Ndambomo et les Kwélé). Cette communauté culturelle va donc ici, pour ainsi dire, au-delà de la communauté linguistique.
Ce texte participe d’une série d’articles de vulgarisation de ce patrimoine culturel gabonais qui n’a pas encore fait l’objet d’un inventaire exhaustif. Nous aurons, ici, un double regard sur un des thèmes structurants de cette société : la circoncision, nommée satsi en ikota que les Mahongwé appellent itchinda préférant ce dernier terme en lieu et place du premier qui sert aussi à désigner le sexe du circoncis. Or le sexe d’un initié, c’est-à-dire un sexe circoncis ne doit pas être nommé. Le premier regard est celui d’un chercheur qui vise à comprendre, à expliquer ; le second, celui d’un membre du groupe, c’est-à-dire quelqu’un qui peut parfois être soumis au secret de l’initiation ou (hombo) en ikota.
Disons pour commencer que la circoncision Kota est une initiation. Cette initiation ou institution a un but clairement défini : la formation d’un homme parfait. Parfait au niveau de sa conduite morale, parfait aussi au niveau hygiénique et sanitaire. On peut déjà en première lecture affirmer que la circoncision poursuit un but positif.
En fait, la circoncision kota a plusieurs dimensions qui sont pour les citer : historique, économique, anthropologique, sociale et spirituelle. Elle constitue ce que les sociologues qualifient de « fait social total ».
A quelle période cette norme a-t-elle émergé dans cette société ? On ne peut le dire avec précision. Le commencement de la circoncision se perd dans le temps, on constate seulement dans les récits de nos patriarches qu’elle vient de loin. On retient que c’est le rendez-vous avec tous les membres de la famille, les vivants mais aussi les défunts qui sont appelés à venir assister et encadrer l’enfant dans son passage de la minorité à la majorité. Ces retrouvailles sont une occasion de résoudre les problèmes de famille. La circoncision se présente, de ce fait, comme un excellent moyen de gérer des rapports sociaux, qui sont souvent mis en sommeil et mal entretenus par les contraintes de la vie. Elle renoue beaucoup de ces relations : relations familiales, relations amicales, relations matrimoniales, etc…
Economiquement, la circoncision est l’occasion, pour les familles, de se surpasser. Il faut préparer du vin, élever des poules, accroître la dimension des plantations, faire des provisions de poisson et de viande. Et on peut se demander comment les gens qui en temps normal produisent de manière raisonnée, se mettent à produire plus que d’habitude. Si la circoncision amène les gens à produire autant, pourquoi ne le font-ils pas en temps normal ? La réponse est qu’il leur faut une motivation. On investit plus pour faire bonne impression. En son temps, la colonisation avait réussi à accroître leurs productions à travers un système de contraintes. Les marchés regorgeaient alors de produits qui sont devenus de nos jours très rares dans les villages telles la pomme de terre ou l’échalote. La circoncision montre que les niveaux de production actuels dans ces sociétés peuvent être dépassés.
Dans sa dimension anthropologique, la circoncision nous apprend qu’auparavant, on ne pouvait bâtir une société ou entreprendre toute autre œuvre si on n’était circoncis. La circoncision légitime la présence d’un individu dans un milieu ou l’en exclut.
Les sociétés africaines sont souvent regardées comme des sociétés sclérosées avec des rôles figés. La circoncision apporte un démenti en dévoilant le rôle actif des femmes dans l’organisation de la société. Ce sont elles qui s’occupent de toute la logistique qui permet la réussite de la cérémonie.
Souvent perçue comme un lieu de prédation, la circoncision kota, à travers la pratique du Mongala (dont il est interdit de dire grand-chose), est le lieu de l’affirmation de la masculinité et, mieux, comme le lieu d’affirmation de sa place dans la hiérarchie sociale. La circoncision permet donc à l’homme d’occuper sa place dans la lignée des membres du clan. Le candidat à l’initiation interpelle les anciens pour lui donner les forces nécessaires à la vie, car les Kota considèrent que vivre est un métier demandant de l’adresse et des capacités.
Disons, en guise de conclusion, que la circoncision est, pour les natifs du groupe, une obligation sacrée. Et comme tout sacré, au sens où le décrit René Girard dans La violence et le sacré, elle se présente comme une chose très sainte qu’il serait inopportun de négliger. Elle est ce qu’il faut forcément respecter si on ne veut pas s’exposer, soi-même mais aussi sa famille, à un danger très grave. C’est ce système de contraintes à la fois subjectif et objectif que le Mongala avait et a encore sur les membres de cette communauté kota. Le plus étonnant c’est que, même la colonisation qui avait pour mission de détruire les pratiques qualifiées de "sauvages", n’a pas pu supprimer cette pratique venue, pour parler comme certains de ses détracteurs, d’un autre âge.
[Bas-relief illustrant le rituel de la circoncision dans l'Egypte Ancienne:
Tombeau d'Ankhmahor à Saqqarah]
o yémoa?:
-bonjour (sous forme interrogative); plus exactement: "es-tu réveillé?", "as-tu bien dormi?". Réponse: hiiing, na n'obè; soit: "oui, autant pour toi?"
Se dit toute la journée.
bihi bya ngouè? (forme contractée: by'angouè)?
-"vous êtes-là?", " êtes-vous là?". Réponse: hiing, óyah?; "oui (en effet), nous y sommes; bienvenu(e)!"
Se dit de préférence en fin d'après-midi, le soir, la nuit.
imè, ma loua (contractée: ma' loua):
-"je m'en vais", au revoir
o yissa o bouèdji? (contractée: o yiss'o bwèdji?):
-"reste en paix", que la paix soit avec toi; prends soin de toi.
Toujours sous forme interrogative, pour susciter la réponse (positive ou négative) de l'interlocuteur. Pluriel: bya' yiss'o bwèdji ("restez en paix"). Au revoir (par rapport à celui ou ceux qui restent).
bihi bya loua? (contractée: bya' loua?):
-"vous partez?", est-ce le départ?
o lwa o bwèdji?:
-"vas en sécurité", vas en paix. Au revoir (par rapport à celui qui s'en va)
o nanga o bouèdji? (o nang'o bwêdji?):
-"dors en paix, que tu dormes en paix"; bonne nuit, douce nuit.
samba:
-l'onomatopée accompagnant l'accolade; désigne également l'accolade elle-même; les embrassades: sambaaaa!
m'bolo:
-salut! salutations communes à l'espace bantou du GABON, le salut national. Se dit à distance, lorsqu'il est difficile ou impossible d'atteindre ou d'étreindre (samba!) notre correspondant.
(à suivre)
1. EDZIMA le 16-09-2010 à 16:11:20
Cher neveu,
L'effort que tu es en train d'accomplir est de promouvoir la langue ikota et non de faire une étude comparative entre le lingala et l'ikota (Cf., salutations). Je te prie d'éviter le mélange de genres ou de tomber dans l'érudition, au pire des cas dans le ridicule. D'ailleurs ton lingala n'est pas perfomant; un kinois ou un brazzavillois aura du mal à te pardonner: au revoir se dit simplement "kende malamu". Veille bien sur l'orthographe des mots. Je te prierais d'annuler complètement le lingala de cette rubrique. Faisons tous un effort de croire en la vertu de la critique.
Cordialement,
Martin Edzima Bouèni
édité le 16-09-2010 à 18:28:41
yongah:
-l'ami(e), l'amitié; pluriel: byongah
idjongah:
-la camaraderie; pluriel: madjongah.
Un nom propre absolument merveilleux me vient à l'esprit: idjongabégno (littéralement: "l'amitié (c'est le corps) dépend du corps, de la santé"). Littérairement: l'amitié s'entretient, autant que le corps; les amis sont sacrés.
mwana gnangwè (mwa' gnangwè):
-"l'enfant de maman ou de ma mère"; l'alter ego; le copain. Seulement usité entre personnes de même genre. On ne peut jamais dire d'une fille et d'un garçon qu'ils sont "Bana'a gnangwè" (pluriel).
ndèndjê:
-"(ceux de) ma génération", élôngô ("ceux de mon âge"); les conscrits.
Le Kota ignore l'amitié (yongah, idjongah, élôngô) entre homme et femme; entre ngoyi (le loup) na (et) étaba (l'agneau), il n'y a point d'autre complicité que la "chasse".
mbanda:
-rivales; rivalité (surtout dans le domaine des sentiments); l'ennemi, l'inimitié.
palah:
-co-épouse; belligérante; pluriel: bapalah
tchoko-tchoko:
-vaille que vaille, cahin caha, instable, incertaine (parlant d'une relation amoureuse; boba tchoko-tchoko: un mariage (ménage, union) instable, improbable)
(à suivre)
youmbou:
-la réunion, la conférence; également: l'union, la délibération, le contrat (o kotaka youmbou: "signer ou passer contrat")
izimè:
-la concorde, l'accord, le consensus, l'unanimité
imbohoung:
-l'alliance sacrée; in extenso: "la scarification recto-anale"; symbole de l'Alliance ou l'Union sacrée par consommation ou échange de sang; le contrat sous seing privé, l'Accord secret, le soutien indéfectible
ilô na molo:
-"l'oreille et la tête" (complices comme). Attention aux faux-amis: ilô en Mahongouè signifie "sommeil"; l'oreille se dit "iloyi".
n'kôngô na imbémbé (contractée: n'kôngô n'imbémbé):
-"le dos et l'épaule" (complices comme)
zala (ou zaa) na mwènyi:
-"la faim et l'estomac" ou le ventre (à jamais unis comme)
(à suivre)
o pouaka o' mbwi (o pwak'o mbwi):
-"arrive jusqu'aux cheveux blancs (mbwi) ou jusqu'à la vieillesse"; "je te souhaite de vivre vieux"; vis longtemps; longue vie à toi; sois béni!
Ce groupe de mots s'assimile souvent aux remerciements, car prononcé à la suite d'une bonne action. Expression signifiant donc simplement: merci!
Mais il est le symbole de la bénédiction la plus élevée chez les Kota, car, lorsqu'elle est correctement exécutée, cette Parole est accompagnée par une moisson de crachats sur le chef.
ndomana mènè (ndoma' mènè!):
-"tu es vraiment un homme!"; "voilà un homme!" Bravo! Félicitations! Forme kota de: Ecce Homo?
(à suivre)
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